mardi 15 novembre 2011

En réconfortant... Pie XII, allocution aux enfants de France

Mes bien chers enfants de FRANCE : "Frères de captivité"
En cette heure où l'Église de Dieu traverse la période de plus grand martyr qu'elle ait jamais connu, j'ai eu pour l'amour de Dieu et de vous mes biens chers enfants, l'humiliation suprême de me voir refuser par le chef temporel d'un état voisin, l'autorisation de vous adresser une lettre pastorale qui vous eût porté l'expression la plus douloureuse de ma souffrance devant les malheurs qui nous accablent et le réconfort de ma paternelle bénédiction.
La première fois qu'un tel soufflet a été porté à la face du Dieu Tout-Puissant son auteur se vit rapidement précipité. Il en sera de même, car Dieu est immuable dans ses actes comme dans sa personne. C'est pourquoi je lui confie ce soir l'émotion la plus poignante de ma vie, le soin de vous laisser entendre sa voix par l'intermédiaire du Père accablé de la grande famille éprouvée qui vous chérit tendrement 1.
Que la France garde courage, car la cause de la France est la grande, la juste, la noble cause. Le devoir d'aujourd'hui est d'être grand dans l'épreuve : il est aussi de garder son âme : l’âme d’un peuple ne peut être écrasée par le malheur, par la brutalité d'une occupation qui ne peut être que momentanée, car en elle se refont le courage, les vertus morales et spirituelles. En elle, se redressent les erreurs et se prépare la reconstruction de l'avenir victorieux.
On exalte l’âme d’un peuple en lui apprenant qu’aux droits réels correspondent des devoirs, que ceux-ci protègent ceux-là et que pour durer il faut avoir soin de défendre ses devoirs, seul moyen de défendre ses droits.
Ne craignez rien : le salut viendra aussi immanquablement que chaque matin le soleil remonte à l'horizon, pour chasser les ténèbres odieuses. Recueillez-vous sur la maison, ramenez-y la foi, gardez la foi, faites la revivre. Faites-y vibrer l'âme ardente et fière de la FRANCE. À l'extérieur votre âme doit garder le silence, soyez d’autant plus  jaloux de la maison qu'elle soit pour chacun de vous un peu de la Patrie.
Le sentiment patriotique n'est pas celui d'une race qui s'affirme sauvagement contre une autre race, mais un esprit qu'aucune force brutale ne peut détruire. Une civilisation pour durer doit être chrétienne ; les Patries doivent être chrétiennes ; si elles ne le sont pas, elles sont marquées par le doigt de la mort.
Ne laissez pas pénétrer en vous la discorde, l'inquiétude, la dépression. Courage, confiance, endurance. Développez en vous le sentiment de votre passé, gloire des annales de l'humanité et de votre terre, la plus belle. Connaissez-les, aimez-les. Ayez soin dans l'épreuve de garder intact le message chrétien de votre Patrie. Vous avez partie liée avec le Christ qui n'a jamais été vaincu et ne le sera jamais.   Que Dieu vous garde.

1. Les deux premiers paragraphes n'ont pas paru dans les journaux, ainsi que les mots soulignés.

[ndvi : feuillet ronéotypé, retrouvé dans l’ « Évangile selon Saint Matthieu traduit et commenté par le Père Alfred Durand, S. J. », imprimé en 1938]