lundi 23 janvier 2012

En musant... Patrice de La Tour du Pin, Tu m'assèches, tu me dépeuples, tu me creuses


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N'ai-je pas droit, Seigneur, à des saisons ?
n'as-tu pas fait erreur en ce trop long hiver ?
mon âme cherche en vain où s'accoupler.
Je n'anime plus rien et tout me désanime,
ma voix me revient morte au moindre appel vers toi !
peut-être en veux-tu à ma voix.
Sans elle je ne suis qu'un cavalier sans sa monture,
un poète perdu pour ta bénédiction :
j'ai dû vouloir forcer ta grâce.
Plus sommaire est mon cri que celui de tes bêtes,
la moindre pierre est plus musicienne que moi,
ma gorge désolée s'encrasse...
Descelle-moi, mon Dieu, je me meurs d'être atone :
depuis trois ans, je me défonce, je me fore,
je m'entends gémir... M'entends-tu ?
J'ai quitté pour toi des terres profanes
et ton silence me condamne !
non, je ne réclame pas mon dû !
Mais au moins penche-toi,
ne laisse pas s'étendre sur ma quête un ciel d'indifférence,
ne me laisse pas égorgé...
33
Tu m'assèches, tu me dépeuples, tu me creuses,
comme si tu voulais que je fusse une tombe
plus morte que son mort, mais que son mort fût toi...
Dieu qui d'un homme assis fais lever un nomade,
est-ce à toi que j'ai obéi ?
j'aimais plus simplement lorsque j'étais petit.
Ma voix te bénissait dans ses bonheurs de dire !
Est-ce ta grâce ? est-ce mon mal qui la déchire ?
je ne sais même plus qui la torture ainsi.
Si c'est encore à toi que je crie mon angoisse,
je m'écœure à l'entendre haletante et si basse :
mon battement de cœur n'est-il plus que ton glas ?
Si je te crois encor le confident plus proche,
si je rêve toujours de chanter pour tes noces,
est-ce par habitude ou par amour de toi ?
Pourquoi m'avoir chargé d'un tel désir de louange
si c'était pour me changer d'ange,
me confier à celui qui doit écarteler ?
Encor si j'y voyais le sceau de ta souffrance,
si dans ton agonie je pouvais battre au sens ?
d'être brisé à mort pour mieux te ressembler !
Mais j'ai peur de tricher et d'aggraver ma dette...
tu n'es pas Dieu à demander ma tête
et qu'ai-je d'autre pour payer ?
Patrice de La Tour du Pin, in Psaumes de tous mes temps