lundi 21 mai 2012

En maximant... Saint Joseph de Cupertino

Grâce à Dieu, saint Joseph de Cupertino, qui savait à peine lire et écrire, n'a pas été un homme de lettres. Il composait des strophes de cantiques dans son patois napolitain, tout naturellement, pour exprimer les sentiments dont son cœur débordait, et cela sans doute était charmant. De même, il s'exprimait comme autrefois les gens du peuple sous forme de dictons, de sentences concises, imagées, bien frappées, qui étonnaient et qui séduisaient. Son entourage a recueilli un certain nombre de ces créations littéraires spontanées ; peut-être non sans les altérer ou les modifier. Dominique Bernin les a publiées dans sa biographie du saint ; et les autres historiens les ont répétées d'après lui. Les chansons ou poésies perdent beaucoup de leur grâce en français ; mais on peut tenir les maximes pour un abrégé de la doctrine spirituelle du saint. Les voici donc, d'après Bernin.
Albert Garreau

— Je crois, je crois, je ne veux rien que la sainte foi.
— Qui a la foi est le maître du monde.
Dieu n'a soumis sa toute-puissance qu'à l'homme de foi ; l'homme de foi peut ce qu'il veut, quand il veut ce qu'il doit. Dieu ne peut mentir ; Dieu n'a aucune raison de mentir ; ses paroles sont vraies pour l'éternité.
— L'homme de foi ressemble au grand arbre qui, coupé, arraché, déraciné, se survit toujours par quelque racine ou quelque rejeton. L'homme de peu de foi, c'est l'arbrisseau qui, déraciné, ne repousse plus.
Il a la foi celui qui aime ; point de grand amour sans une foi vive.
— La foi est vive si l'âme se confie en la volonté de Dieu, si elle tient pour certain que Dieu, soit qu'il accorde, soit qu'il refuse, agit pour le plus grand bien de l'âme.
— Jette tes peines dans le Seigneur, Jacta super Dominum curam tuam. Dieu sait ce qu'il fait, je fais bien de le laisser faire.
Si la fumée ne sort du bois, le feu n'y entre point. Aspirez-vous au feu du divin Amour ? Chassez de votre cœur la fumée des choses du monde.
— Au moment d'une confession, on croit se sentir étroitement uni à Dieu et aux saints, mais bientôt on revient à ses premiers défauts. C'est que nous sommes retenus par un fil comme l'oiseau dont l'enfant se joue ; l'oiseau voltige, le fil le rappelle. Nous prenons notre essor vers Dieu ; mais le fil des mauvaises inclinations et des passions nous retient et nous ramène à notre ancienne vie. Brisons ce fil si nous voulons rester immuablement en Dieu.
Lorsque viennent les afflictions, les disgrâces, les persécutions, nous nous en prenons à la créature : « Un tel m'a outragé ». Et l'humanité crie : « Venge-toi ». Considérons ces choses comme venant de la main amoureuse de Dieu, acceptons-les comme un avertissement de la divine Providence, et l'aiguillon de la vengeance s'émoussera, et nous serons tentés de remercier le Seigneur.
— L'industrie de l'homme va tirer d'un chiffon de toile une blanche feuille sur laquelle une personne royale écrira peut-être ses lois et son nom. Ainsi, purifiant avec amour le cœur qui veut être purifié, Dieu, sur la blanche page du cœur, imprime sa grâce en caractères ineffables.
La réception du très Saint-Sacrement produit tous les biens, tant pour l'âme que pour le corps.
Où Dieu se tient souvent, l'ennemi ne saurait s'y tenir ; à la longue, Dieu reste le maître, car il est plus puissant par sa grâce que le démon ne l'est par la tentation.
Le sacrifice de la volonté est la meilleure, la plus acceptable offrande que nous puissions faire à Dieu.
— Scrupules, mélancolie, je ne vous veux pas en mon logis.
— Qui a la charité est riche, et ne le sait ; n'avoir pas charité, grande calamité.
Une âme ! Un Dieu ! Qui perd ces biens fait une perte irréparable et reçoit un dommage éternel.
— Qui a patience en tout lieu ne fait pas peu, ne fait pas peu.
— Imitons le voyageur fatigué qui n'a garde de s'arrêter aux accidents du chemin ; il donne un coup d'œil aux choses et il va ; il jette un regard de prudence sur les objets et il passe ; le terme, c'est le ciel.
— Si le malade ne se repose en la sainte indifférence et en la volonté de Dieu, la maladie ne fera qu'empirer.
— Le plus sûr moyen d'obtenir de Dieu une grâce, c'est la sainte indifférence et la résignation en sa volonté sainte.
— Malades, persécutés, affligés, prenez courage ! Dieu vous aidera, Dieu vous aidera.
— Dieu, en vous envoyant la maladie, s'est proposé quelque grande chose, ou l'amendement de votre vie ou l'accroissement de vos vertus.
— Les grosses plumes s'arrachent aisément ; les petites ne s'en vont que par le feu. L'extirpation des vices grossiers est facile ; les imperfections ne cèdent qu'au feu de l'Amour divin.
Joie et confiance, mes enfants ! Espérez en Dieu, espérez ! Dieu est fidèle à ceux qui l'invoquent dans la vérité. Omnibus invocantibus eum in veritate.
Les adversités, les tribulations de la vie sont les grâces les plus particulières, les plus désirables. Dieu les garde à ses amis les plus chers. Recevons-les comme telles avec patience, avec constance et avec joie.
— Guerres, procès, contestations, toutes choses dont les hommes se préoccupent si fort, qu'est-ce que cela ? Pur néant, jeux d'enfants, et tout homme se trouble en vain, et varie conturbatur omnis homo.
Ou tu es or ou tu es fer ; si tu es or, la tribulation t'épure ; si tu es fer, la tribulation te dérouille.
— Choisissez des exercices de dévotion que vous puissiez pratiquer toujours.
— Que le prêtre récite l'office divin avec recueillement et célèbre la messe avec ferveur ; ces deux saints exercices amèneront chez lui la réforme de tout le reste.
— L'âme chaste ressemble à un vase de cristal pur et poli, plein d'une eau fraîche et limpide, qui réjouit l’œil dans les ardeurs de l'été. Rien de plus agréable que cette eau ; mais qu'une goutte d'huile y tombe, elle perd sa limpidité et déplaît.
— Comme le feu, substance une, engendre incessamment la lumière et la chaleur, ainsi la nature divine du Père engendre la lumière et la sagesse qui est le Fils et la chaleur de son amour qui est le Saint-Esprit.
Les richesses et les prospérités doivent toujours être suspectes. La pauvreté et la tribulation acceptées avec patience sont des signes du salut de l'âme.
Maudit soit l'homme qui fait l'œuvre de Dieu négligemment, Maledictus homo qui facit opus Dei negligenter.
Il ne saurait y avoir deux paradis, l'un dans ce monde, l'autre dans l'autre.
Dieu entend tous les langages. Lorsque vous vous recommandez aux prières d'un serviteur de Dieu, priez de votre côté.
— Dieu a coutume d'opérer de grandes choses dans les grands pécheurs.
— Ô affligés, ô éprouvés, vous souffrez, il est vrai, avec le Christ, mais non pas comme le Christ.
— Dans les tentations, quelle que soit leur nature, défiez-vous de vous-même ; jetez un regard sur le crucifix, confiez-vous au Sauveur et prenez courage ; Dieu vous sera fidèle si vous êtes fidèle à Dieu.
— En toute affaire, aussi bien temporelle que spirituelle, faites votre rôle, laissez Dieu faire le sien et tenez-vous en paix.
— Les vrais serviteurs de Dieu doivent faire comme l'oiseau qui rase la terre, y prend sa pâture et s'envole. Ne touchons la terre qu'autant que l'exigent les nécessités de la vie humaine, et élevons-nous vers les cieux, louant et bénissant le souverain Maître.
— Il n'est pas vrai que les hommes, s'ils pensaient toujours à la mort, négligeraient leur famille et le monde, cesseraient de travailler et d'écrire. Erreur, erreur, plus un homme pense à la mort, plus il sent le besoin de servir Dieu, de pratiquer la charité et de faire des bonnes œuvres, car l'amour de Dieu porte infailliblement à assister le prochain. Témoins tant de saints personnages qui, nourris de l'idée de la mort, ont cependant écrit des livres, composé de savants ouvrages, construit d'admirables édifices, servi de toutes manières et l'intérêt général et l'intérêt particulier.
— Dieu veut, et c'est justice, qu'en chaque chose nous le reconnaissions comme auteur de tout bien. Si un homme voit Dieu et le glorifie jusque dans les moindres objets, par exemple dans un insecte, dans une fleur, sa divine Majesté lui en sait gré ; elle se plaît à cette louange et y attache de grandes faveurs.
— Il faut peu se soucier que le monde dise de nous du bien ou du mal. S'il en dit du mal, qu'importe ? puisqu'il n'y a aucun fond à faire sur le monde et ses jugements. S'il en dit du bien, ce bien procède de Dieu et retourne à Dieu.
— Souffrir pour l'amour de Dieu est une insigne faveur dont par lui-même l'homme est indigne. Mais l'homme ne comprend pas cela. Il remercie Dieu de la prospérité et ne prend pas garde que l'affliction serait une grâce bien plus grande.
— Les hommes s'usent à former des projets et s'affligent s'ils échouent. Oh ! que leur affliction serait plus légitime si elle naissait du sentiment de leurs péchés !
Dieu, voyant ses élus enclins au péché, les laisse quelquefois faillir, les expose à plusieurs maux, les livre à plusieurs douleurs ; mais un jour vient où, illuminés de la grâce divine, ces pécheurs détesteront les fautes qu'ils auront commises.
— Trois choses sont le propre du religieux : aimer Dieu du fond du cœur, le louer toujours, et toujours édifier par les bonnes œuvres.
— Dieu nous veut saints à sa manière, non à la nôtre.
— Je ne veux que ce que Dieu veut. Je suis bien partout, car je trouve Dieu partout.
— Confiez-vous en Dieu et priez toujours. Qui obtient a le bien d'avoir obtenu ; qui n'obtient pas a le bien d'avoir demandé. Ainsi chacun revient chargé des richesses du Seigneur.
— L'obéissance donne des ailes.
— L'obéissance est un carrosse qui conduit doucement en paradis.
— L'obéissance est notre conductrice ; elle est pour nous le chien de l'aveugle.
— L'obéissance est un couteau qui égorge la volonté de l'homme et l'immole à Dieu. C'est le couteau qui a immolé le Christ notre Seigneur, lequel s'est fait obéissant jusqu'à la mort, Factus est obediens usque ad mortem.
Plutôt mourir que de ne pas obéir. Sainte obéissance, sainte obéissance.
— À l'heure de la mort, celui qui a mal vécu ressemble à l'écho, qui répercute les sons. Dites : « Jésus, Marie », il répond : « Jésus, Marie » ; dites : « Je me repens de mes péchés », il répond : « Je me repens de mes péchés ». Il reçoit le son et il le renvoie : écho sans intelligence, qui reproduit les bruits de l'air, mais qui n'exprime pas les repentirs du cœur.
— Celui-là seul est heureux qui possède le vrai bien, c'est Dieu.
Pratiquez les vertus solides, ne vous attachez pas à d'éphémères dévotions, qui ne sont que feu de paille.
— Religieux, vous tous serviteurs de Dieu, vous surtout supérieurs, donnez l'exemple ; prêchez, comme notre Père saint François, par les actes ! Plus que par les paroles. Les faits pénètrent le cœur, les paroles glissent et passent.
— Un homme de sens acquiert, par une petite mortification, plus de mérites qu'un imprudent par des disciplines sanglantes.
— Le prédicateur est une trompette qui ne rend aucun son si Dieu ne l'anime.
— Il faut aller aux serviteurs de Dieu avec foi, et, lorsqu'ils ont parlé, se conformer à leur avis. Sinon, il vaut mieux s'abstenir de les consulter.
— Au service de Dieu, plus on monte, plus on veut monter ; plus on connaît la grandeur du Seigneur, plus on dédaigne les choses de la terre.
— Un homme placé au sommet d'une tour, s'il regarde en bas, voit tout en petit, hommes et arbres ; plaines et montagnes. Au contraire, s'il regarde en haut, la splendeur des étoiles, l’immensité de l'air, la grandeur et la beauté du firmament le ravissent : « Quel bon air je respire, s'écrie‑t-il, quelle magnificence frappe mes regards ! » Ainsi le serviteur de Dieu cesse d'estimer les choses que le monde estime, et plus il considère ces choses, plus il s'étonne de la folie des hommes qui y attachent leur cœur.
— Tu es venu pour aimer, pour servir Dieu durant les jours passagers de ta vie, non pour être cardinal ou prince. Il ne te sera pas demandé compte de tes dignités en l'autre vie ; on t'y demandera si tu as aimé ton Créateur.
La terre d'Adam ne sait produire que des ronces et des épines.
— Ce n'est pas en paradis que se font les saints : ici-bas l'épreuve et la douleur ; là-haut le bonheur et la paix.
— C'est une grande épreuve que de vivre sans épreuves.
Le démon m'apparaît, mais je ne crains pas, car je me tiens en Dieu et vis retiré du monde.
J'espère en Dieu, je me fie en Dieu, que la volonté de Dieu soit faite.
— Plus vous aurez de patience, plus vous avancerez.
Il vaut mieux embrasser les croix vives que les croix mortes.
— Oh ! que Dieu est bon. Plût à Dieu que nous missions à le servir autant de diligence qu'il en met à pourvoir à nos besoins !
Je ne possède rien ; mais Dieu m'approvisionne de tout..
— Je n'ai rien et je possède tout. Si grande est la joie que j'espère, que toute peine m'est bonheur.
Prenons courage, Dieu pourvoit à tout.
— Dieu toujours en aide. Je veux toujours espérer en lui.
Toi qui te plains de tes peines, égorge Dieu si tu peux ; c'est Dieu que te les envoie.
— Les hommes et les démons feront ce que Dieu permettra, rien de plus, rien de moins. Tranquillisons-nous donc ; Dieu agit pour le mieux.
— Il vaut mieux vivre où Dieu le veut que où nous le voulons ; Dieu fait les choses mieux que nous.
— Qui fait toujours la volonté de Dieu, fait toujours oraison.
— Nous ne devons travailler à rien, même à notre salut éternel, que parce que telle est la volonté de Dieu.
— Toute bonne œuvre doit se faire en vue d'appeler la miséricorde de Dieu sur nos péchés ou sur les péchés d'autrui.
— Quand Dieu dirige une âme ou une affaire, laissez-le agir, le guide est bon.
— Je sème la prière, il n'appartient qu'à Dieu de faire germer les grâces.
Faites oraison, faites oraison ; si les aridités d'esprit ou les distractions font obstacle, récitez attentivement le Pater ; vous ferez ainsi tout à la fois et l'oraison vocale et l'oraison mentale.
— Pourvu que Dieu y soit, on est bien partout.
— Qui connaît Dieu et ne se fie point en Dieu, mérite de finir sa vie à l'hôpital des fous.
— Ô toute-puissance, ô amour ! Dieu méconnu et pourtant si visible. Dieu outragé et pourtant si digne d'amour.
— Prends ce cœur, déchire ce cœur, brûle ce cœur, ô mon Jésus.
— Mon Jésus,  j'espère en toi, j'espère en ton sang, j'espère en tes mérites, je n'espère rien de moi.
— Refuge des pécheurs, Mère de Dieu, souvenez-vous de moi.

In Le saint volant : saint Joseph de Cupertino, par Albert Garreau