jeudi 16 juillet 2015

En suppliant... Louis-Joseph Lebret, Prière pour les pécheurs


Seigneur, je veux aujourd'hui te prier pour les pécheurs.
Pour moi, d'abord.
Pour l'apprenti brimé qui a déjà commencé à flancher.
Pour le mousse, fatigué du voyage, que ses copains ont traîné de bar en bar, puis à la maison de prostitution.
Pour le paysan chrétien arrivé à la ville et qui a cessé de pratiquer.
Pour l'homme à l'abandon dans la grande cité et qui, pour être aidé, ou par révolte, vient de donner son nom à quelque association antichrétienne.
Pour la petite ouvrière ou la petite bonne trop peu payée et qui fait la belle au coin de la rue.
Pour la secrétaire dont le chef de service a abusé.
Pour ce salaud de chef de service, pour lui aussi.
Pour toutes les pauvres filles, marchandes de plaisir.
Pour l'homme honoré dans sa ville qui a pourtant à la fois femme et maîtresse.
Pour le voleur honni qui n'a pas d'autre métier.
Pour le voleur distingué qui sait empocher l'argent des autres et de l'État sans travailler.
Pour le spéculateur considéré, habile à jouer sur les différences de valeur.
Pour le tueur banal du crime passionnel ou cupide.
Pour le tueur des camps de concentration et des chambres à gaz.
Pour le tueur qui sait, de quelque manière, exploiter le peuple et qui l'affame.
Pour le patron de combat.
Pour l'opprimé qui s'est laissé gagner par la haine.
Pour l'ambitieux qui se couvre de l'amour du peuple pour arriver.
Pour le juge qui rend la sentence imposée d'en haut.
Pour le juge qui ne punit pas les coupables.
Pour le politicien de bas étage.
Pour le grand politicien d'aventure.
Pour le gouvernant concussionnaire.
Pour le gouvernant du laisser faire et qui se lave les mains.
Pour le policier qui passe à tabac des innocents.
Pour l'assistant technique qui ne fait pas son travail.
Pour les persécuteurs de l'Église.
Pour les chrétiens qui ont défiguré l'Église.
Pour le prêtre qui est tombé.
Pour le prêtre qui a trahi.
Pour l'hypocrite, le blasphémateur et le sacrilège.
Pour l'homme au pouvoir qui fait pression sur les consciences.
* * *
Seigneur, je te prie pour moi-même et pour tous mes compagnons du péché.

Louis-Joseph Lebret, in Appels au Seigneur (1955)